Le Da Hong Pao, un thé de légende

Deux jours passés à Wuyi Shan.

Cette région du nord du Fujian est renommée pour la beauté de son paysage. Très boisée elle est traversée de cours d’eau, notamment la «rivière aux neuf tournants» laquelle on peut descendre en radeau de bambou. De toutes les cotés s’élèvent des rochers abruptes et dans les vallées et vallons s’étalent des plantations de thé, parfois d’anciens théiers sauvages, parfois des cultures plus récentes. C’est réellement grandiose mais, hélas, maintenant accessible par une nouvelle autoroute qui met cet endroit jadis très reculé à la portée du grand tourisme. Des nouveaux villages s’installent pour accueillir les foules, les accès sont devenus payant, il faut faire la queue partout. Mais c’est toujours aussi magnifique et notre groupe découvre émerveillé.
Après un séminaire à l’université de Wuyi Shan qui nous fait comprendre l’exclusivité des thés des rochers les professeurs proposent une collaboration entre scientifiques des pays producteurs et consommateurs pour une valorisation des trésors de la région. C’est du patrimoine génétique de ces théiers qu’il s’agit, que l’on peut transmettre, améliorer etc.
Ensuite nous visitons une entreprise qui possède un très bel ensemble d’équipement ancien de manufacture de Da Hong Pao : nous voyons les paniers en bambou, dans les quels les feuilles étaient soumises à un séchage progressif sur des cendres brulants, l’ancienne machine à roulage, les fours qui permettaient l’oxydation partielle. Le jeune propriétaire de cette société, la Wuyishan Ruiquan Tea Co Ltd. nous raconte qu’il est le descendant de récoltants de thés des rochers et donc de Da Hong Pao dans la 12e génération. Il possède une installation moderne, mais a souhaité sauvegarder les outils d’antan, parce qu’ils sont beaux, intelligents, à taille humaine et racontent l’histoire d’un artisanat plusieurs fois centenaire, bravo !! Il nous propose une dégustation délicieuse et dans les règles de l’art tout en précisant que la 13e génération est déjà pourvue, son fils vient d’avoir 3 ans. Huang Shenghui nous dit qu’il rentre d’un séminaire d’œnologie à Bordeaux, où il a appris à déguster les vins fins. A son avis la terminologie et les notes d’appréciation pour le vin ont beaucoup en commun avec les thés fins, nous partageons totalement son opinion !
Avisés du fait que les meilleurs de ces thés ne se récoltent qu’une fois par an, en mai, nous l’interrogeons sur leur potentiel de vieillissement ? Il nous indique qu’il a lui-même quelques Da Hong Pao de 1993 en réserve; conditionnés à l’abri d’air et de lumière et à température constante ce thé se bonifie de manière superbe. Son plus ancien thé date de 1928, il a été mis de coté par son arrière grand père. Puisque le Da Hong Pao est devenu depuis quelques années un thé très recherché il pense se faire construire une cave à thé et procéder systématiquement au vieillissement d’une partie de la récolte. Il nous dit aussi qu’il est très fier que l’UNESCO ait classé la région du Wuyi Shan et ses thés comme patrimoine immatériel de l’humanité. C’est sans doute la configuration unique du climat doux et brumeux avec ces sols rocheux, résidus basaltiques d’une très ancienne éruption volcanique qui donne aux thés des rochers leurs saveurs uniques, qu’une oxydation partielle en fabrication d’oolong fait ressortir au mieux.
Après une descente de la rivière à neuf tournants en radeaux, nous sommes invités le soir même au spectacle merveilleux «Impressions», une mise en scène par Zhang Yimou, le metteur en scène du film «Adieu ma concubine» et de l’inauguration des jeux olympiques de 2008 à Beijing.

C’est féerique et merveilleusement romantique. D’une tribune pivotante nous assistons à des combats dans la Chine des Ming, splendides projections de fond avec sur scène des soldats et leurs généraux qui s’affrontent à l’épée, des joutes en rivière, et puis le héro à la grand robe rouge revient vers sa bienaimée. Cette partie historique est suivie d’une mise en scène de la cueillette, et puis de la dégustation du Da Hong Pao tout en évoquant les autres thés les plus fameux de Chine.

C’est tellement beau que nous sommes émus et subjugués, tous nous achetons le DVD en sortant pour pouvoir partager cette «féerie autour du thé» à notre retour.
Le lendemain les plus courageux du groupe escaladent le «pic du ciel» plus de 1 000 marches taillées dans le roc et parfois à flanc de falaise, la vue merveilleuse du sommet sur les rochers des alentours récompense l’effort.
Nous repartons couverts de cadeaux, des boîtes de Da Hong Pao de plusieurs sortes, à déguster et à partager au retour.
L’avion pour Beijing nous attend après ce bref séjour d’une intensité mémorable.