Par Cyril Christal, gérant de « Terres des Thés » |
Des récits d'aventures épicées et théinées
Sa mission : prélever des plants et des graines de théier et percer les secrets de fabrication du thé dans diverses régions de Chine afin de développer des plantations en Inde. Ses outils : une tenue à la chinoise, quelques guides locaux plus ou moins fiables selon les événements, une soif de découvertes en botanique.
Comme bon nombre d'explorateurs et de scientifiques de son époque, Fortune a rédigé et édité plusieurs livres décrivant ses pérégrinations. Mais là où d'autres narrateurs se contentent de retranscrire sans emphase les détails de leurs journées, notre botaniste apporte un ton tout à fait original et très romanesque qui nous transporte dans une Chine ancestrale, depuis les grandes villes côtière jusqu'aux montagnes abritant les plantations de thé les plus réputées. Les occidentaux ayant interdiction de voyager dans les terres par décision de l'Empereur de Chine, Fortune n'a d'autre choix que de s'habiller à la chinoise et de se faire passer pour un étranger du nord de l'Asie. |
Son récit est encore plus passionnant dès que l'on visualise son trajet sur une carte. On se rend mieux compte des distances parcourues pendant ses 3 années de recherche : dans un premier temps, au fil de l'eau vers les montagnes Huangshan au sud-ouest de Shanghai, ensuite sur les routes des illustres monts Wuyi où est confectionné le wulong Da Hong Pao . La superpuissance de l'empire Britannique Au delà du récit de Fortune, il est passionnant de décortiquer le contexte et les enjeux de son aventure : c'est la Compagnie anglaise des Indes Orientales (British East India Company) qui lui confie en 1848 cette mission d'étude et de collecte. |
Le démarrage de l'industrie du thé
En 1851, un fois les théiers arrivés à bon port en Inde sur les contreforts de l’Himalaya, Fortune engage des Chinois travaillant dans le thé pour participer à la formation des Indiens dans la fabrication du thé. Des essais de production avaient déjà eu lieu en Inde avec la principale espèce de théiers locaux découverts en 1831, des camellias sinensis assamica. Mais les tentatives de fabrication étaient infructueuse, le thé obtenu était trop amer et pas assez aromatique. Les camellias sinensis sinensis et les ouvriers que ramène Fortune de Chine marqueront un nouveau départ dans la création de la première industrie du thé.
Une fois la machine lancée, de nombreuses plantations se développèrent en Inde, dont celle de Darjeeling, puis au Sri Lanka en 1857 ainsi que dans d'autres colonies hollandaises, portugaises, françaises...
Du vol ou de l’espionnage ?
On pourrait soupçonner Fortune d'avoir volé le secret de fabrication du thé, jalousement gardé par les chinois depuis des siècles. En lisant son récit, on entrevoit plutôt la passion du botaniste dans sa quête frénétique de théiers ainsi qu'un incomparable sens du devoir au service de la glorieuse Reine Victoria et du peuple britannique dont l'empire domine le monde.
On peut également déceler dans l'épopée de Robert Fortune, une concordance dans ce que nous vivons actuellement dans le monde du thé. Certains amateurs n'hésitent pas à tracer une frontière entre les thés issus des colonies du 19ème/ 20ème siècle et ceux façonnées uniquement par les asiatiques (Chine, Taiwan, Japon...).
Et si nous laissions le soin à ce cher Robert Fortune de répondre à cette délicate interrogation : que préféreriez vous pour votre five o'clock ? Plutôt un wulong Da Hong Pao que vous avez siroté dans les monts Wuyi ou un thé noir du Kenya que vos compatriotes britanniques ont planté dès 1903 ?
lien carte : http://tinyurl.com/robertfortune
lien Sur la route du thé et des fleurs : http://www.terre-des-thes.fr/Livre/La-route-du-the-et-des-fleurs/flypage...
Cyril Christal :Passionné de thé, de sa géographie et de son histoire, il a crée Terre des Thés en 2009 pour partager cette boisson magique. Il parcourt dès que possible les pays producteurs afin de ressentir les fondamentaux du thé et parfaire ses connaissances.